dimanche 25 février 2018

Le livre du roi - Arnaldur Indridason

Présentation de l'éditeur ( points) - Historique -Aventure
traduction : Patrick Guelpa

En 1955, un jeune étudiant islandais arrive à Copenhague pour faire ses études. Là il va se lier d’amitié avec un étrange professeur, bourru, érudit et buvant sec, spécialiste des Sagas islandaises, ce patrimoine culturel inestimable qu’ont protégé les Islandais au long des siècles comme symbole de leur nation. Il découvre le secret du professeur, l’Edda poétique, le précieux Livre du roi, dont les récits sont à l’origine des mythes fondateurs germaniques, lui a été volée pendant la guerre par des nazis avides de légitimité symbolique. Ensemble, le professeur et son disciple réticent, qui ne rêve que de tranquillité, vont traverser l’Europe à la recherche du manuscrit. Un trésor pour lequel certains sont prêts à voler et à tuer. Un trésor aussi sur lequel on peut veiller et qu’on peut aimer sans en connaître la valeur. Une histoire inhabituelle et une aventure passionnante sur ce qu’on peut sacrifier et ce qu’on doit sacrifier pour un objet aussi emblématique qu’un livre. Arnaldur Indridason met son talent et son savoir-faire de conteur au service de son amour des livres. Et de ce livre mythique en particulier.


Alors, je suis un peu mitigée sur mon ressenti, d’un côté j’ai trouvé le sujet passionnant et le travail de recherche de l’auteur indubitable et de l’autre, le style assez descriptif, le ton un peu documentaire, ce qui a atténué grandement le côté épique de l’aventure avec un grand A.

 En fait, on a du mal à décoller de la réalité, mais ce n’était sans doute pas le but. J'ai appréhendé ce livre comme un polar, je m’attendais même à retrouver notre commissaire Erlendur dont j’ai suivi quelqu’unes de ses enquêtes, mais pas du tout, ce roman relate surtout l’histoire d’un pan de la littérature islandaise, j’ai d’ailleurs appris un tas de choses et pour cela, ce livre est un vibrant hommage au patrimoine littéraire et ancestral de ce peuple, qu’on découvre finalement assez opprimé, malgré un passé riche en légendes et en sagas.

C’est un tandem intéressant mais auquel je ne me suis pas vraiment attachée, il nous transporte avec nostalgie dans les pays scandinaves à la fin de la 2e guerre mondiale. Un professeur, un peu bougon aux manières plutôt désagréables, alcoolique sur les bords et qui ne lâche pas le morceau comme on dit et un étudiant, tout beau, tout neuf, tout naïf qui suit son maître dans cette escapade dangereuse et chaotique. On suit, à la volée, leurs pérégrinations, émaillées de souvenirs et de flashs-backs sur la vie du professeur et l'histoire de ce livre, principal objet de leur recherche.


Le début de l'aventure est un peu dure à suivre, on est parachuté sur des pistes un peu alléatoires, et on nous abreuve d’un tas d’explications dont je n’ai pas tout suivi, n’étant pas très au fait des merveilles de la culture islandaise, j'ai essayé de me rattraper depuis ! et j'espère avoir saisi toutes les implications et démonstrations littéraires que le professeur prodigue dans cette première partie. Par la suite, quand la recherche du livre des rois commence vraiment et s'intensifie, le ton s’accélère et l’action prend le pas sur l'Histoire, mais toujours par intermittence, cassant régulièrement le rythme.

Les faits paraissent parfois invraisemblables et certaines coïncidences étonnantes mais comme l’auteur s’appuie sur des faits réels qu'il comble de son imagination, et dans laquelle des personnages connus apparaissent, ça crédibilise tout le reste, et on avance vers une fin prévisible, réaliste et beaucoup plus palpitante que la mise en place, elle rattrape toute notre attention, en achevant cette histoire par une conclusion touchante.

A chaque page, on sent un auteur passionné par son pays, ses coutumes, ses légendes, l'auteur endosse ce rôle de professeur et nous communique cet esprit, cette curiosité et il m’a donné très envie de découvrir cette île secouée par la nature, par les occupations, et pourtant créatrice des plus belles légendes du monde nordique. Et c'est ce que je retiendrais de ce livre des rois ! 

Un merci à  Stellade pour m'avoir permis de sortir ce livre de ma pile à lire.


L'histoire de l'Islande est récente par rapport à celle du reste de l'Europe. Du fait de son éloignement, ce pays n'a pas subi la guerre, mais certains événements extérieurs, tels que la réforme protestante imposée par le Danemark ou la peste noire, ont eu des conséquences importantes pour les Islandais. L'histoire du pays a aussi été marquée par nombre de catastrophes naturelles et par sa lutte pour l'indépendance, obtenue le 17 juin 1944.

L'île ne fut découverte par les Vikings qu'au IXe siècle. À partir de 874, elle commence à se peupler, principalement de colons norvégiens fuyant les conflits de leur pays. En 930, de nombreux chefs, jusqu'alors maîtres de leur seul clan, décident de créer une assemblée, l'Althing, le plus vieux parlement du monde. S'ensuit une période d'indépendance entre les Xe et XIIIe siècles, connue surtout grâce aux sagas (Une saga (mot islandais) est un genre littéraire développé dans l'Islande médiévale, aux XIIe et XIIIe siècles, consistant en un récit historique en prose, ou bien une fiction ou légende.) . À cette période intervient aussi l'évangélisation des Islandais qui passent du paganisme nordique au christianisme sous la pression du roi norvégien. Cependant, des conflits internes finissent par affaiblir le pays qui devient en 1262 une colonie du Royaume de Norvège. Avec la fin de l'Union de Kalmar en 1536, il passe sous domination du Danemark qui s'empare bientôt du commerce local et impose la réforme protestante. L'Islande glisse peu à peu vers la pauvreté, mais réussit à développer sa culture spécifique. Le XVIIIe siècle est particulièrement marqué par cette pauvreté, qu'aggravent encore plusieurs catastrophes naturelles. Ainsi se confirme le déclin de la population islandaise, d'autant que plusieurs tentatives de développement économique avortent les unes après les autres.

Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour voir l'avènement d'un véritable renouveau, d'abord marqué par la lutte pour l'indépendance qu'inspirent les révolutions continentales. À la suite de ce mouvement, l'Althing est restauré et l'île reçoit un statut lui garantissant une plus grande autonomie. Le processus s'achève à la fin de la Seconde Guerre mondiale par l'indépendance, garantie dès 1944. Le XXe siècle voit le pays se développer rapidement, grâce surtout à la pêche, d'ailleurs source de plusieurs conflits, dont la guerre de la morue... Mais ceci est une autre histoire....
Alors pour en revenir au contexte de notre livre ... La seconde guerre mondiale.
Le 9 avril 1940, le Danemark est envahi, et tombe sous le contrôle du Troisième Reich allemand. Cette invasion fut ressentie en Grande Bretagne comme une menace majeure pour le contrôle de l'Atlantique Nord. Pour pallier ce danger, les troupes anglaises envahissent l'Islande. Il s'agit bien d'une invasion : l'arrivée des Britanniques ne résulte d'aucune négociation avec les Islandais. Ils seront 25 000 hommes, pour une population d'environ 120 000 Islandais.

En mars 1941, l'Allemagne déclare un blocus total des eaux islandaises. Tous les bateaux islandais sont ainsi impliqués de facto dans la bataille de l'Atlantique.

En Mai 1941, obligé de se débrouiller sans le Danemark, interpellé par l'occupation britannique et par le blocus allemand, le Parlement islandais se donne un régent, Sveinn Björnsson, ancien ministre danois. Les Islandais n'étaient pas particulièrement attirés par le nazisme. En revanche, ils n'étaient pas a-priori anti-allemands. Avant la guerre, c'était des ingénieurs allemands qui avaient construit leurs routes ainsi que les canalisations d'eau chaude qui, à partir de l'eau des geysers, approvisionnaient la ville de Reykjavik. Ceci expliquera leur neutralité.

Au printemps de 1941, la guerre était devenue mondiale, et l'empire britannique devait se battre sur plusieurs fronts, de l'Europe à la Birmanie, à l'Afrique et aux îles du Pacifique. Winston Churchill demanda au président américain Franklin Roosevelt d'envoyer des troupes en Islande, afin de dégager les troupes britanniques qui y étaient immobilisées.
Roosevelt accepta la proposition de Churchill, à condition que les Islandais invitent les Américains. Mais ceux-ci, échaudés par l'invasion britannique, firent la sourde oreille. Malgré les pressions, l'arrivée des troupes américaines dut être repoussée à l'été 1941. Ils s'installèrent dans les camps de l'armée britannique. Cette ingérence n'était pas du goût des islandais, elle durera jusqu'à la fin de la guerre.



Le 17 juin 1944, jour anniversaire de la naissance du nationaliste islandais Jon Sigursson (1811-1879), le parlement islandais proclama la République à Thingvöllur. Sveinn Björnsson en fut le premier Président. La nouvelle république fut reconnue par les puissances Alliées et l'Union soviétique. Le roi Christian X, souverain du Danemark occupé par les Allemands, envoya un télégramme pour souhaiter le maintien de l'Union, mais aussi pour s'incliner devant le fait accompli.

L'Islande était indépendante, mais toujours occupée par les troupes américaines. Détenant une place importante au milieu de l’Atlantique Nord, non loin des territoires arctiques soviétiques, la présence de l’OTAN et des États-Unis va donc perdurer jusqu'en 2006. L’OTAN, les armées norvégienne et danoise et les États-Unis assureront la protection militaire de cette nation.

La littérature islandaise, celle qui nous intéresse ici.

L'Edda poétique est un ensemble de poèmes en vieux norrois rassemblés dans un manuscrit islandais du XIIIe siècle, le Codex Regius. C'est aujourd'hui la plus importante source de connaissances sur la mythologie scandinave. On l'appelle aussi ancienne Edda ou Edda Sæmundar, en référence à Sæmundr Sigfússon dit Saemund le sage, à qui fut attribuée la rédaction du codex.


L'Edda poétique tombe dans l'oubli puis est redécouverte en Islande par l'évêque luthérien Brynjólfur Sveinsson en 1639. En 1662, il offre le manuscrit (baptisé Codex Regius) au roi du Danemark Frédéric III. C'est à cette époque que l'on attribue la paternité de ce recueil à Sæmundr le sage. Conservé à la librairie royale de Copenhague, le manuscrit est restitué à l'Islande en 1971.

À l’heure actuelle, on ne sait pas à qui attribuer le travail de collecte des poèmes renfermés dans le manuscrit. Il s’agit d’un recueil anonyme d’une trentaine de chants et de poèmes qui ont été composés entre le VIIIe siècle et le XIIIe siècle. Les poèmes les plus anciens furent vraisemblablement composés par les scaldes, qui se les transmirent par tradition orale. Aucun poème n’est attribué à un auteur particulier même si cela n’empêche pas les universitaires de spéculer parfois sur les auteurs de certains poèmes.

Au début du XVIIIe, Árni Magnússon se rend en Islande et va consacrer le reste de sa vie à la recherche des anciens manuscrits Islandais.

Arni Magnusson
Il rassemble ainsi à la Bibliothèque universitaire de Copenhague la plus importante collection de textes islandais qui sera malheureusement en grande partie détruite lors du grand incendie de Copenhague qui ravage la ville du 20 au 23 octobre 1728.

La littérature du XXe siècle marque une rupture avec l’héritage des temps anciens et l’esprit nationaliste.

Halldór Kiljan Laxness, prix Nobel de littérature en 1955 sera un des acteurs de cette rupture.

Un résumé "un peu long" mais cela explique bien les étapes importantes, et nécessaires pour aborder cette lecture avec intérêt. J'ai appris beaucoup de choses et une seule envie me dévore à présent, aller visiter l'Islande !

sources : Islande Explora / Guide pour comprendre l’Islande / Histoire de l’Islande / De l’indépendance de l’Islande jusqu’à aujourd’hui - https://www.islande-explora.com - https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Islande - https://www.contreculture.or - http://www.islandenpoche.net


10 commentaires:

  1. Waouh ! Non seulement tu nous offres une excellente critique, mais en plus, cerise sur le gâteau : tu nous fais cadeau d'un supplément très enrichissant, généreuse comme tu es ;)
    Merci ma Lili ! Je ne sais pas si je lirai ce roman, mais je me coucherai moins bête ce soir, ça c'est sûr !!! :)

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    1. En fait je me suis aperçue que je ne connaissais pas du tout l'histoire de cette île et franchement elle ne manque pas d'intérêt, je ne savais même pas qu'elle avait été indépendante aussi tardivement ...Moins bête moi aussi ! copine ! ;)

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  2. Tout comme Lupa, je suis impressionnée par ton billet qui mêle lecture et culture. Très très intéressant tout ça et effectivement, de quoi s'endormir en se sentant moins bête :)

    L'Islande me fait rêver depuis un certain temps. Un rêve de voyage à réaliser :)

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    1. j'y suis peut-être allée un peu fort sur la tartine en histoire, bon c'est que j'ai énormément envie d'y aller aussi ! Alors au moins je serai prête sur ce côté de l'Islande ;)
      MJ m'a aussi beaucoup impressionné avec ces souvenirs de la-bas ! Apparemment on est marqué par le dépaysement.

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  3. Quel article ! Je ne sais pas si je lirais ce livre, le thème m’intéresse mais la forme beaucoup moins , en tout cas merci pour le + ;-) Un livre que j'ai adoré se base sur la grande bibliothèque de Copenhague justement, c'est la librairies des ombres de Birkegaard, c'est fantastique mais j'ai bien aimé.
    Merci pour cet instant découverte.

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    1. Oui, hélas je ne n'avais pas tellement accroché au livre dont tu parles, surtout la fin qui partait un peu dans tous les sens mais ces livres laissent des souvenirs d'endroits étonnants et d'ambiances particulières !

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  4. Wahou, je suis scothchée par cet article si complet et je ne peux que te remercier pour cette collecte de culture. C'est vrai que j'ai fait quelques recherches pour mieux comprendre ma lecture...Sur les sagas, l'Edda, les manuscrits... Cet article est formidable. Merci à toi aussi pour cette LC. Biz

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    1. Merci ma Stellade ! je crois que ces recherches sont nécessaires pour ne pas passer à côté du cadre historique très important dans ce roman. j'ai partagé pour expliquer mais pour donner envie aussi ;) bises

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  5. Ce vrai que ce roman doit être passionnant pour son aspect historique parce que, comme tu le dis très bien, on connaît peu l'histoire de l'Islande, complètement isolée au milieu de son océan. ;) Je ne sais pas si je le lirai, ni même s'il me conviendrait, mais je le note dans un coin de ma tête et te remercie pour la découverte.

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    1. Je pense que comme moi tu es plus attachée à l'histoire médievale et moderne que contemporaine, mais ici, j'ai été obligé de me briefer un peu car j'ai des lacunes sur le sujet. Du coup ce livre est devenu est formidable moyen de me remettre l'Histoire en mémoire avec en prime une énigme intelligente et crédible! ;)

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